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De ton envoyé spécial dans l’île de Margarita
(…) L’Origine afflue. Elle me rejoint, comprends-tu ? Elle m’atteint, depuis le fond de l’espace, le fond du temps. Je la vois. Je la vois en l’extrémité que voici, celle que l’espace-temps pousse de mon côté, en direction du rocher sur lequel je suis juché. L’Origine, en cet instant, arrive ici. C’est cette vague.
Je traduis fort mal la pensée qu’elle fait naître dans le regard méditatif dont je l’accompagne, la vêt. Comment dire mieux une telle pensée ? Le Tout, qui est d’un seul tenant, le Tout en marche, le Tout qui n’a de cesse, ce Tout que je ne vois pas, et pour cause, est présent, intensément présent, dans la remuante extrémité sublimée en blancheur soudain.
Extrémité : oui ; je ne croyais pas si bien dire. N’emploie-t-on pas ce mot pour désigner les pieds, les mains ? Et le mouvement de la vague n’est-il pas un geste – parmi des milliards – du grand corps du Tout ? Celui qu’il fait sous mes yeux ? Car sa vie multiple, innombrable, en même temps est une, c’est celle d’un être, celle de l’Entité cosmique. Mes yeux n’en touchent qu’une parcelle : en ma pensée, je la tiens tout entière embrassée.
Je ne suis pas séparé du Commencement – du Big Bang, si tu préfères te représenter les choses plus concrètement. C’est le Commencement qui me visite en l’espèce de la vague qui naît, accourt, s’élève, enfin se répand, s’étalant en neige bondissante. Quoi que je voie, je le rapporte au Tout. Donc – en un mot –, je vois le Tout. (Lorsque distraitement j’enroule autour de mon doigt cette boucle de tes cheveux, c’est bien toi que je touche.)
De ce Tout suis fragment, je ne l’oublie pas. Encore que d’une variété curieuse, à vrai dire, qui s’en extrait partiellement, en émerge juste un peu, en vigie menue, fragile – créature périscopique. (…)
Pavement céleste. Puisque posé par le flux solaire au fond du miroir de l’eau . Puzzle mouvant. D’aimables polygones oscillent, ondulent. Mailles de lumière. Leur réseau scintillant danse sur le sable. Le Tout dessine sous mes yeux. Il se sert du remuement de l’eau, du vent qui la balance doucement, de la plage lisse, du grand soleil. Ce que j’appelle les petites merveilles courantes, il nous faut nous glisser en elles. Ne nous contentons plus d’admirer les spectacles qui nous sont offerts. Il nous appartient de nous émerveiller tout autant du fonctionnement qui les produit. De ceci, plus précisément : les règles du jeu auxquelles obéissent les particules élémentaires et dont tout a découlé, la formation des atomes, des astres, des galaxies, les phénomènes de toutes sortes qui ont composé nos paysages, les lois physiques propres aux auteurs du carrelage aux joints souples, variables, lumineux que j’évoquais, ces règles fondamentales étaient, sont, en très petit nombre ! Ces dispositions primordiales étaient grosses de la diversité infinie !
J’ai écrit fonctionnement et non pas mécanisme, car les circonstances comptent autant que les lois. Les circonstances : rencontres. (Il y a rencontres parce qu’il y a mouvements, et cela parce qu’il y a espacements, les choses et les êtres étant entités séparées, finies.) Qu’est-ce qui ne s’expliquerait pas, dans le domaine matériel, par la combinaison de la rigueur avec laquelle s’appliquent les lois et du caractère aléatoire des rencontres, ces occasions d’interactions. (Pense à l’arc-en-ciel, emblématique à cet égard.) Du jeu de la rigueur, croisée avec elle-même, naît la fantaisie. La grâce, dans le cas du dallage impalpable. (…)
Un peu plus loin, un peu plus tard. La fougue est de retour. Avec quel luxe, quel raffinement, la puissance se déploie ! Je me répète, je le crains ; pardonne-moi, auquel cas. Toute ma vie je ne pourrai m’empêcher d’évoquer, je crois, ces ruées délicates qu’enfante la vague par son explosion, leurs caresses tumultueuses. Quelles Grandes Eaux versaillaises pourraient égaler le spectacle princier auquel donne lieu la rencontre appelée rivage ? Mais, n’est-ce pas celui que donne l’Univers-roi ?
Cet Univers énigmatique, je l’aime, vois-tu, un peu comme j’aimerais une femme au visage entièrement masqué, qui ne parlerait pas. J’aimerais la personne insaisissable, manifestée pourtant. Cet amour aurait quelque analogie avec celui que m’inspire l’Univers. L’Univers, ce n’est pas la Source et pourtant ce l’est. (…)
De ton correspondant en Sicile
( …) La diversité de ces galets, et elle est époustouflante, m’a frappé d’emblée. Pour bien faire, il faudrait que je te les décrive un à un. Aie la bonté de me croire sur parole. Sache seulement que deux substances différentes juxtaposées, soudées vont jusqu’à se partager certains d’entre eux, bipartis. J’essaye d’en imaginer la fabrication …
Quelle collection, spontanée, sur l’étal de la plage ! A perte de vue, un troupeau d’histoires, une foule, une presse d’aventures ! Combien de lentes sédimentations, d’alluvionnements, de suintements, d’instillations, de cuissons sous pression, caramélisations savantes en laboratoires telluriques, de travaux divers des glaciers, torrents, courants, n’a-t-il pas fallu pour qu’on ait droit à cette exposition ? Locales ces opérations, ces péripéties, certes, mais pas moins événements de l’Univers, inclus dans sa chronique. Cueillant ce petit galet, j’attrape l’Univers. Ou : l’Univers m’attrape, m’aguiche avec la petite bande blanche, au tracé impeccable, qui cercle la pierre longuement façonnée. Œuf de la durée. (Les quarks qui le constituent sont ceux du Commencement.) (…)
Des confins du Brésil et du Venezuela
(…) Certains endroits de cette région accidentée n’ont été reconnus qu’il y a peu. Ce qui me fascine le plus, ici, c’est le roman secret de la pierre et de l’eau. La forêt le dissimulait. Tout au long du voyage de l’eau, la roche, nue souvent, l’accompagne au plus près. Ces deux-là n’en finissent pas d’inventer, varier, des figures, des postures – chorégraphiques, érotiques, comme tu voudras. Ici, tout en y glissant, une lame d’eau revêt un large, vertigineux toboggan ; plus loin, le torrent s’est fait bassin privé à l’abri d’une cour intérieure ; ailleurs, après avoir flâné dans la traversée d’un marécage, voilà qu’ il s’est foré un puits ou déboule du plafond d’une grotte… Les cascades prennent, tu penses bien, toutes les formes imaginables.
Une mécanique opère, celle de la pesanteur tirant le fluide avec une force qui ne varie pas. Rien de moins qu’aventureux, ce nonobstant, le cours de l’eau : le caractère changeant, l’imprévisibilité de son minéral amant (quant à sa composition, sa consistance, sa disposition), y suffit. (…)
De Savoie
(…) Dans une autre vie, je serai glaciologue. La géomorphologie s’élève à un degré de complexité supplémentaire pour ce qui touche à ces messieurs les glaciers. Tantôt leurs productions retiennent par leur fini (ainsi des remblais des moraines, tu sais, avec leur profil triangulaire), tantôt, par les allées et venues de leur front, ils chahutent le relief de la zone où ils sont parvenus. Méticuleux ici, anarchistes là.
La rationalité de la pesanteur préside à l’écoulement de l’eau liquide qui ne tolère pas de contre-pentes affectant le profil de son cours. Le glacier n’a pas ces scrupules, il dédaignera de raboter les bosses rocheuses les plus coriaces ; la plasticité de l’eau solide le lui permet.
L’eau n’est pas que cette universelle créature perfectionniste. Plus d’une fois elle élève, épand, prodigue à ce qui l’entoure une offrande qui est pure poésie. J’ai passé plusieurs nuits à quelques mètres du petit torrent dont je te parlais. Je laissais la fenêtre ouverte pour que vienne à moi l’Incessante. La chambre, tout le vallon, embaumaient de son parfum sonore.
Tu as une jolie voix, tu sais, Physis ! lui disais-je, adaptant le compliment célèbre.(…)
Ai poussé jusqu’à la ville. La domine l’énorme château des siècles. Pris en masse, les sédiments marins entassés, puis exondés, ensuite élevés, dressés, ensemble font ce front sévère du temps qui s’impose aux regards.
Discrètement, le monument de la durée s’effrite. A son pied s’accumulent ses débris, mais attention, pas n’importe comment ! En bon ordre ! De sorte que la muraille calcaire se fait précéder de la majestueuse jupe qu’étend la pente égale, si soigneusement ratissée, de l’éboulis. L’admirable paradoxe : elle se vêt de ce que l’érosion lui soutire !
Joue ici, je suppose, la physique très particulière des entassements de grains, des sables. (Les dunes chantent, le savais-tu ?) (…)
De l’hôtel
(…) Deux étoiles étincelantes. Minuscules. Ravissantes. Deux astres de trois millimètres de diamètre. Leurs rayons, plus fins que cheveux, vibraient.
Très discrète, fugitive merveille. Rien qu’un bonheur d’éclairement que j’ai surpris : la lumière rebondissant sur le métal brillant du robinet. (…)
De la pièce d’à côté
(…) Le sorbier, plus le soleil à la fin de l’après-midi, plus le vent, plus le rideau et ses plis, qu’est-ce que cela donne ? Petit spectacle dû à ce qu’il faut bien appeler l’inventivité des phénomènes naturels, un ballet fantasque : sur l’étoffe diaphane va et vient un puzzle que forment deux sortes de pièces, les unes grises, qui sont les ombres des feuilles chahutées par le vent, les autres, lumineuses, qui correspondent aux intervalles. Cela se balance et gesticule. C’est frénétique, c’est fastueux. J’en compare la gigue plaisante, enjouée, à l’agitation de vaguelettes souriantes, par instants enivrées de leur plaisir, un peu folles ! (…)
A ma rédactrice en chef
(…) Conviens de la fécondité des propriétés primordiales des particules élémentaires, de la vocation poétique de ces dernières. Conviens que ce n’est pas sans motif qu’à propos de l’Entité totale dont je t’ai donné quelques nouvelles éparses, je prononce ce mot, l’ayant pesé : poète.
Et, en amont des règles du jeu, qu’y a-t-il, demandes-tu ? Je réponds : leur essence mathématique. Là-dessus, je t’entends me dire : conjecture. Je le concède. Tout de même, lis Et l’un devint deux, de Roland Omnès. C’est un mathématicien devenu physicien. Feuillette, au moins, ce maître livre.
Plus en amont, encore, qu’est-ce ? – La Source. Elle ne se confond pas avec le Cosmos. Elle en est absente. Tout en y étant, d’une certaine manière, présente. C’est pourquoi j’aime à l’appeler de cet autre nom, qui est beau, l’Enigme. (…)
P.-S. Dernières nouvelles de toi
Tu t’étais levée. De ta main droite rejetée sur le côté, tu as saisi ta robe qui venait de rejoindre le sol, ce qui a tendu l’étoffe bleu nuit constellée de pois blancs.
Ce faisant, tu as déployé l’immensité nocturne sous mes yeux. La présence d’une femme et celle de la nuit sans borne, semée de lumières toutefois (sa gravité nous sourit), n’ont plus fait qu’un.
J’ai pensé : voici que tu as un corps de nuit – profond, magique. Inversement : convertie, la nuit étoilée a choisi, adopté les contours féminins.
C’était voir non plus seulement une rencontre, mais une conjonction, celle de l’Illimité et d’un être fini – qui n’était rien de moins, cependant, qu’une personne !
Même si, troublé, je n’avais pas applaudi à cette réunion, déjà j’aurais goûté, par la grâce de cette étoffe, de son motif (qu’il faut mettre à part de tous les autres), la profusion sur fond de mystère, la générosité du visible posé sur la profondeur cosmique.
(Voudras-tu que, pour moi, se renouvelle cette apparition ?)
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