La diversité est l’autre nom de l’univers

La diversité est l’autre nom de l’univers

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Quelques précisions sur les thèmes et les livres



                                 I  -- LES  THEMES


L’impatience de l’élan de parole


    Elle n’est pas seulement l’aiguillon qui presse l’écrivain : elle est observable chez tout un chacun brûlant de faire part de ce qui l’a frappé. L’à-dire agit comme un moteur puissant. Sa dynamique propre n’a rien à voir avec l’ego. ( « Le Propagandiste du possible », texte publié en 1965 dans La Nouvelle Revue française, repris dans L’Orgueil anonyme, réédité dans La Revue du M.A.U.S.S.,  enfin réinséré dans Retrouver l’Océan, s’est efforcé de l’établir avec rigueur . Les descriptions, interrogations et hypothèses ayant trait à ce sujet se sont poursuivies dans De quelques parages de l’Enigme, texte publié en 2007  et 2008).
    Un tel apostolat spontané vantant le prix, la singularité, à tout le moins l’intérêt, de ce qui est – du possible (réalisé) auquel il n’avait pas été pensé, qui n’avait pas été imaginé – est l’une de ces attitudes et conduites qui ont en commun d’être dévouement à l’Impersonnel
    Le désintéressé en nous est méconnu.
    Oui, plus d’une fois, l’Impersonnel agit en nous. C’est ainsi qu’il prend l’artiste à son service. L’artiste est un instrument, irremplaçable puisque singulier, mais bien un instrument.
    Démêler avec précision les rôles de l’Anonyme et de la personne est impossible. Craindre pourtant de mésestimer aussi bien l’un que l’autre.
    Semblablement : suivre certains physiciens, ainsi que les bouddhistes, lorsqu’ils insistent sur la mouvance, l’impermanence, l’interrelation de tout, mais pas jusqu’à admettre l’inconsistance des entités (objets, êtres), leur non-réalité. Autrement dit, s’efforcer de tenir la balance égale entre, d’un côté, la considération de l’universel tissu des énergies au sein duquel paraissent puis s’effacent les choses, les créatures, et, de l’autre, la considération de ces dernières qui, bien qu’immergées dans l’ubiquité des échanges, n’en ont pas moins une configuration qui les caractérise, à l’intérieur de limites bien à elles, garantes de leur cohérence. Ne point céder sur ceci : chacune jouit de son unité, de son identité et siège, en un mot, dans sa réalité propre.
    Réhabiliter l’apparence. Défendre l’illusion. (Mot d’ordre mis en pratique dans Retrouver l’Océan.)
 
                                             L’apparence

    L’apparence est le fruit de la diversification et de l’inventivité universelles. (Comme telle positive.) 
    Pour écarter toute connotation péjorative, on a le loisir de dire aspect. Le mot est bon à prendre. Reste qu’apparence est plus joli.
    Il y a apparence parce qu’il y a des objets distincts, des êtres finis, donc des limites et des intervalles. Un être paraît à sa frontière.
    Encore : il y a apparence à la rencontre de deux domaines, deux sphères de la réalité. Deux exemples : le spectacle du monde qui se forme par collaboration du donné et de celui qui le considère ; l’apparence nouvelle qu’est le tableau au contact de la sphère de l’art. Une continuité passe, saute, à travers la discontinuité : elle ne se transporte, toutefois, que moyennant une mutation ; le bond, ici, est en même temps métamorphose. Parler à cet égard de relais ou parler de création, c’est désigner une seule et même chose.
    Dans Retrouver l’Océan, en méditant la limite, la rencontre, l’apparence, l’aspect, les représentations et leur variabilité, j’ai eu souci d’apporter la contradiction au relativisme.
 
                                              L’apparure

    Le vêtement est ce en quoi de l’inétendu (l’affectivité, l’intimité d’un sujet) paraît à sa limite, c’est-à-dire au contact immédiat de l’espace et s’immerge ainsi dans le dehors, s’y insère. En cela paradoxal. De là qu’il fascine.
    Il s’en faut que l’attention que la personne attache à son vêtement trouve son entière explication, ainsi qu’on l’entend dire, dans le narcissisme combiné à la prise en compte du regard des autres. S’en tenir là, c’est se satisfaire du commentaire le plus facile, le plus convenu, le plus étroit ; rester prisonnier de la psychologie et de la sociologie qui ont de toute évidence leur mot à dire sur le sujet tout en étant bien loin de l’épuiser ; ne pas s’aviser qu’on mutile l’humain si on le tient pour compréhensible par du strictement, de l’exclusivement humain.
    C’est n’entendre l’attention que sous son acception usuelle ; oublier qu’elle a, aussi, le sens de mouvement généreux, de délicatesse : se vêtir avec soin, c’est honorer la présence de la vie au cœur de soi ; rendre hommage à cette vie dont l’individu sent qu’il n’abrite qu’une parcelle ; pour cette vie-là qui mérite qu’on l’écrive avec un grand V, avoir des marques de respect et d’affection, parce qu’on en éprouve la dignité.
    Perceptible au sein de la personne, cette vie anonyme anime le dehors, le visible, tout le visible. De l’assentiment donné à celui-ci témoigne, aussi ,l’attention avec laquelle on choisit son apparence. La composer, c’est participer à la fête des formes et des couleurs qui attendait l’humanité, c’est rejoindre en complice le spectacle premier des ciels, des eaux, des collines, des prairies, des feuillages, des plumages, des fourrures, des corolles, c’est prendre place dans la convivialité du visible.
     A l’état pur ou en cohabitation avec les motivations de l’ego qui la cachent, il y a une coquetterie – j’emploie ce mot faute de mieux – désintéressée .
 
    De l’apparure (j’ai proposé de désigner ainsi le vêtement féminin), il était déjà abondamment question dans L’Oeil magique. Sur toi l’or de la nuit et Dans le dehors  en proposent une phénoménologie poétique. J’y reviens, ici et là, dans Retrouver l’Océan ,dans Dans le secret et dans L'Accord. 
    Se partagent la description et l’éloge, dans Aux pieds d’Omphale, l’apparure, le corps, le visage. Celui-ci inspire tout un chapitre de Dans le dehors.
 
                                                 Les plis

    C’est le titre d’un texte publié en 1961 dans la 7e livraison de Tel Quel. Tantôt l’étendue de l’étoffe où la contemplation oublie la dimension et jouit d’un avant-goût de l’Infini, tantôt le relief qui y surgit, se trouvent évoqués dans La Double Origine, Dans le Dehors et Retrouver l’Océan ou, au contraire, font l’objet de longs développements dans L’Oeil magique et Sur toi l’or de la nuit.
 
                                      La nature, le paysage

    Le pays sur le chevalet, c’est la montagne qui se dresse et se déploie, s’expose devant l’œil, tel un tableau. C’est le titre du livre où la plupart des pages qui lui sont consacrées sont rassemblées. D’autres ont pris place dans Retrouver l’Océan.
Dans les deux ouvrages, ainsi que dans tel chapitre de Sur toi l’or de la nuit, la mer est décrite et chantée. J'y suis revenu de nouveau dans Voix - II et dans Nouvelle locales du Tout.


                          La décivilisation

    Dès 1997, il m’a semblé qu’on ne pouvait faire l’économie d’un terme aussi grave que celui-là. Dédifférenciation, déraffinement, désagrégation, autodestruction entropiques affectent trop de domaines pour qu’on ne l’emploie pas.
    Plusieurs textes publiés notamment dans La Revue du M.A.U.S.S. (sigle pour Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) et repris dans Retrouver l’Océan, s’attachent à mettre en lumière les tendances de fond dont la convergence est pour beaucoup dans l’acosmisme, le relativisme, voire le nihilisme, contemporains.
    Le sous-titre prévu pour le livre était à l’origine Le réenchantement est possible ; c’est celui qu’on trouve indiqué dans la revue Missives  qui, en décembre 2002, a publié l’ « Avant-propos » (« L’honneur d’être ») de l’ouvrage. Corrigé sur les épreuves, il est devenu L’enchantement et la trahison. Le choix de ce dernier mot est expliqué dans le chapitre intitulé « Refus de l’enténèbrement ».
 
                                         Essai ou poème ?

    L’Oeil magique s’ouvre sur cette interrogation. La poésie en prose et la réflexion cheminent ensemble ; la description fervente du concret et la mise au jour attentive du sens se séparent rarement. La même question sans réponse (sinon celle-ci : les deux) se pose pour tous les livres suivants, à l’exception de L’Orgueil anonyme. Elle se complique avec Dans le secret, cette « expérience de pensée », pour parler comme les physiciens, que j’appelle, faute de mieux, conte philosophiquenull est le récit d’une servitude amoureuse.
    Bien que leur forme et leur allure ne pourraient être plus différentes, Dans le secret et Retrouver l’Océan se complètent très étroitement l’un et l'autre.


       Pour terminer, deux mots-maximes

    Un peu plus de librisme et de cordisme ne nous seraient pas inutiles.
    Librisme (de libra, balance) ? Invitation à veiller à ce que l’instrument ne penche pas exagérément d’un côté ou de l’autre. A ne point oublier ni l’ici, ni l’Infini ; ni l’apparence concrète, ni la profondeur du Tout cosmique et son essence mathématique. Ni le cadeau du passé, ni la vocation de l’Univers, qui est le Nouveau.
    Cordisme ? Disposition intérieure à la faveur de laquelle on se sent en accord avec l’Univers, de cœur avec lui ; inclination à tenir pour possibles et désirables les rapports cordiaux du donné et de l’artifice, l’alliance du sensible et de l’intelligible ; dans un écrit, le mariage de l’audace et de la justesse (justice), de la dilection et de la responsabilité.

      II - LE    DOMAINE  DE  L'ART 

    Dans ce domaine, les premiers textes furent consacrés à Tobey (dans Tel Quel), à Kemeny et Vasarely (Critique), à l’Art Brut (Critique), à Dubuffet (Cahiers de l’Herne).
    Plus tard, d’autres parurent dans La Nouvelle Revue française (sur Music, Valls, Alechinsky, Revol, Laubiès, notamment), Art Press (sur Charchoune, Gérard Schneider, Soulages, Jeanclos, Mason, Takis, etc.), Opus  (sur Szenes, Titus-Carmel, Tsoclis, Gäfgen, etc.), L’Art vivant (sur Kemeny).
    Les œuvres d’une centaine de peintres et sculpteurs sont commentées dans La Double Origine – journal de bord d’un voyage en Peinture. Ce livre, paru en 1996, réunit des textes publiés antérieurement en revues – dont certains de ceux qui viennent d’être énumérés. Plus de la moitié de la substance de l’ouvrage provient d’une chronique tenue de 1971 à 1995 dans Arts PTT (revue de la société artistique des PTT), publication trimestrielle qui compte parmi ses couvertures celles composées à son intention par Calder, Miro, Hartung.

    Parmi les artistes dont on trouve le nom dans la table des matières de La Double Origine : Chardin, Courbet, Seurat, Pissarro, Picasso, Matisse, Derain, Max Ernst, De Staël, Masson, Sam Francis, Fautrier, Hosiasson, Balthus, Prassinos, Lecoque, Bost, Guitet, Laubiès, Hollan, Tirouflet, Masurovsky ; Bourdelle, Gonzalez, Moore, Hajdu, Fenosa, Ubac, Pol Bury, Louise Nevelson.
    Un des enseignements de ce long voyage à travers les œuvres, c’est qu’une relation, assez intense pour jouer un rôle cardinal, entre la nature et l’art, est beaucoup plus fréquente dans l’art du XXe siècle, figuratif ou non, qu’on ne le pense trop souvent. Les démarches les plus variées en résultent. Certaines innovent radicalement. On observe, par exemple, une indécidabilité voulue, essentielle, constitutive : telle strate d’une marine de Szenes est-elle sable, eau ou atmosphère ? La question est fautive : Szenes est remonté des éléments à l’Elément. On voit aussi des artistes se mettre mentalement en état de travailler à la place de la nature, d’œuvrer à la manière de celle-ci. Ayant choisi un motif morphologique, ils en miment la propagation, l’expansion ; ils adoptent ce style, si caractéristique, de prolifération qui, rencontrant en chemin, à chaque instant, l’aléa, en accueille l’empreinte, la marque discrète, grâce à quoi s’invente une variation souple, imprévisible – se reconnaît la vie, celle des organismes, celle de la matière.
    Avec cette nouvelle Mimésis, ou selon d’autres voies, toutes individuelles, l’art de l’Occident moderne se rapproche, à certains égards, il n’est pas sans intérêt de le remarquer, de celui de la Chine traditionnelle. Et cela de son propre mouvement, je veux dire sans en avoir formé le dessein. En témoignent Szenes, Vera Pagava, Laubiès, Bost, Hollan.
     La Double Origine s’achève sur les pages récapitulatives des « Thèmes entrelacés » : le yin et le yang, la relation de la féminité avec la nature et avec l’étendue, le rapport entre l’intime et l’immense, la vibration de l’Infini dans le concret, la transfiguration, la vision d’or, etc.
 
        
TRAVAUX  PUBLIES  DANS CE DOMAINE DEPUIS 1996 
 
    .« L’infini zélé auprès de Bethsabée : sur la peinture de Jean-Pierre Corne » (Arts PTT,  n° 159) ; « Le retrait et l’accueil », commentaire de l’œuvre de Pascal Verbena (Missives, n° 240).
    .Préfaces pour des expositions d’œuvres de Philippe Dereux, James Guitet, Astolfo Zingaro, Daniel Levigoureux, Isabel Michel, Anne Manoli, Jean Bouvier, Odile Levigoureux
, Michèle Iznardo, Christine Bry, Yves Degorre.
    .« Une jungle et des clairières – à propos de la controverse sur l’art contemporain » (La Revue du M.A.U.S.S., n° 10).
    .Deux chapitres de Retrouver l’Océan (ainsi que les pages qui sont consacrées dans ce livre à Gérard Schneider, à Jean Legros, à Nicolas de Staël).

                    EN  PREPARATION


Textes sur les oeuvres de Vera Pagava et de Félix Vallotton.



     III - LE  DOMAINE  LITTERAIRE
 
   
    Je me suis plu à commenter les œuvres de quelques écrivains : , Roger Caillois, André Degaine, Louis-Paul Guigues, Roger Laporte, Max Loreau, Roger Munier; Belinda Cannone, Claude Dourguin, Bernadette Engel-Roux, Guy Goffette, Annie Le Brun, Jacques Lèbre, Robert Marteau, Valérie-Catherine Richez, Paul de Roux, Jean-Loup Trassard.